ANFORM MARTINIQUE N84

18 anform ! • mai - juin 2019 principe, indiquant dans un rapport que “le recours à des moustiques modifiés apparaît être une stratégie à ne pas négliger”. TROP COÛTEUX ? Pourtant, sur le terrain, les popula- tions et les associations de défense de l'environnement s'inquiètent des risques posés par une tech- nologie qui manipule le vivant, et dont il est difficile d'envisager les conséquences concrètes. Que deviendront par exemple les chauves-souris, les oiseaux, les grenouilles qui se nourrissent des moustiques si ils disparaissent ? Et les plantes qu'ils aident à polliniser ? “Il existe environ 3600espèces de moustiques, dont seulement une centaine porte des virus pathogènes pour l'homme, répond Louis-Clément Gouagna. Par ailleurs, aucune espèce, ni animale ni végétale, ne dépend uniquement des espèces ciblées par les techniques de stérilisation.” Les spécialistes ne s'attendent ••• © ISTOCK donc pas à un impact important sur l'environnement dans le cas où une population de moustique dimi- nuerait fortement. Mais d'autres effets pourraient se faire sentir. La disparition d'une espèce de mous- tique peut laisser le champ libre au développement d'une autre... potentiellement plus dangereuse. Auxîles Caïmans, des habitants ont témoigné d'une recrudescence des moustiques juste après les expéri- mentations, mais nul ne connaît leur ampleur, ni leur lien avec les tests. Reste la question des coûts. Car produire des millions d'insectes transgéniques capables de sub- merger les populations existantes revient cher. C'est la raison pour laquelle la Malaisie, un des pre- miers pays à avoir expérimenté la piste OGM, abandonne l'idée en 2015, la jugeant “peu efficace et trop coûteuse”. Alors que ces premiers essais peinent àêtre trans- formés sur le terrain, une révolution se prépare dans les laboratoires de génétique. Les “copier-coller” de gènes sont devenus plus faciles et moins coûteux, et l'on sait désor- mais forcer certains gènes à se répandre dans une population. Mais l'efficacité même de ces techniques pourrait les rendre plus dangereuses. Depuis 2009, l'Institut de recherche pour le développement de La Réunion mène un projet original de lutte contre le mous- tique Aedes albopictus , responsable de terribles épidémies de dengue et de chikungunya sur l'île. Il s'agit d'élever des moustiques en laboratoire, de les rendre stériles en les expo- sant à des rayons X, puis de relâcher les mâles dans la nature. Il ne s'agit donc pas de manipulations génétiques à propre- ment parler. Les femelles qui s'accoupleront avec ces mâles pondront des œufs incapables d'éclore, et la population natu- relle devrait chuter. Après 10 années d'études, les scientifiques viennent de demander l'autorisation préfectorale d’effectuer leur premier lâcher. “Notre but dans un premier temps, c'est de voir combien de temps nos moustiques survivent. Cela per- mettra de savoir la quantité de moustiques que nous devons produire et la fréquence à laquelle nous devrons les relâcher pour être efficaces”, explique le coordonnateur du projet, Louis-Clément Gouagna. Pour passer aux lâchers massifs, il leur faudra trouver les moyens techniques et financiers d'une production de masse qui pourrait s'élever à plusieurs cen- taines de milliers de moustiques par semaine. À La Réunion, on stérilise les moustiques

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