ANFORM MARTINIQUE N94

8 anform ! • janvier - février 2021 rencontre ••• redonne vie aux objets Bizo ne recycle pas, mieux, il upcycle ! Cet artiste éclectique donne une seconde vie aux meubles et autres objets du quotidien en les transformant en véritables œuvres d'art. PAR L’ASSOCIATION UKA, UNITED KARIBEAN ARTISTS t Qui es-tu ? Je m’appelle Alexandre Té, alias Bizo. Je suis artiste plasticien et muraliste d’origine ivoirienne. Je vis en Gua- deloupe depuis 2017. Engagé dans la préservation de l'environnement et adepte de l’ upcycling , mon domaine de prédilection est la conception et la réalisation de mobilier d'art à partir de matériaux recyclés. J’utilise plusieurs techniques artistiques (beaux-arts, graffiti, cartoon…). Amoureux du style Cobra (voir encadré), mélange d'abs- trait et de figuratif, je crée des œuvres de différentes natures : mobilier, pein- tures, dessins, sculptures, peintures murales, graffiti et, très récemment, la gravure. t Quelles sont tes sources d’inspiration ? Elles sont plurielles. Le nouchi (argot ivoirien), le zouglou, le rap, la musique classique, l’histoire des civilisations, l’histoire politique, la géo- politique, l’éducation, la philosophie adinkra (symboles africains repré- sentant des valeurs ou adages de la vie en communauté). Je m'appuie sur cet éclectisme, fruit de mon vécu, pour concevoir, dessiner et partager un message, une idée, un concept. Je m'attache à offrir un nouveau regard sur le monde qui m’entoure en m'appuyant sur un concept nova- teur, le mixrecycling (mélange de recyclages), au travers de créations vivantes et colorées. t Pourquoi ce choix de travailler avec des matériaux recyclés ? Seules 7 % des bouteilles d’eau ache- tées sont recyclées alors que nous en consommons près de 70 milliards par an ! Voici l'indicateur qui m'a poussé à créer avec des matériaux unique- ment recyclés ou récupérés. Notre mode de vie consumériste et dégra- dant pour notre planète m’interpelle. En tant qu'artiste, mon devoir est de m'approprier la réalité que je vis et d’y apporter une vision, une sensibilité, une émotion. Aujourd'hui, nous sommes tous au fait que nous surconsommons ce que la terre nous offre. Pire, nous détruisons ce dont nous avons besoin (l’air, la terre et même l’eau !). L'un de mes objectifs en créant est donc de réduire cette surconsommation. En ne peignant plus sur des toiles de beaux- arts, je n'appartiens plus aux chaînes d'acteurs responsables de la pollu- tion de ce domaine (déforestation, agriculture industrielle, exploitation de main-d’œuvre…), j’essaie de me soustraire au dictat consumériste. S’il semble que je crée sur des sup- ports éloignés de l’art (carton, bois, tissu…), qui ont déjà servi, j'essaie de leur donner une seconde vie en les transformant en œuvres d’art. Une seconde vie chargée d'émotions qui font entrer ces supports dans une autre dimension. t Comment réagit le public ? Mon art consiste à questionner sur notre mode de vie, mais aussi sur notre rapport à l’art. En créant du mobilier d'art fonctionnel avec une structure en bouteille d'eau, bon nombre de personnes ne savent pas quelle relation établir avec ces œuvres. Je peux l’utiliser ? Il ne va pas s'abîmer ? Peut-on s’asseoir dessus, ça va tenir ? Autant de questions qui amènent finalement le public à prendre conscience de l'importance du recyclage, de la réutilisation et aussi des dégâts dont il pourrait être responsable, sans même en avoir conscience. Bizo

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